Témoignage: Violences Policières, un point de bascule a été franchi.

30/03/2023

Je tiens à préciser que dans cet article j'ai tenté de retranscrire tout ce que j'ai vu, entendu ou ressenti. Ce texte contient donc un seul et unique point de vue, le mien.

Le 23 mars 2023 à Tulle, était prévue une manifestation déclarée dont le parcours devait s'achever à la préfecture du département de la Corrèze. Il y en avait eu de nombreuses précédemment et toutes s'étaient déroulées sans aucun incident. Le 23 au matin, les deux lycées de Tulle avaient été bloqués par les organisations de jeunesse locales (MNL, JC et VL) ce qui a eu comme effet d'amener beaucoup plus de jeunes que d'ordinaire à la manifestation.
Le début de la manifestation s'est déroulé exactement comme prévu. De mon côté je tenais la banderole de l'intersyndicale avec les référents de celle-ci, j'étais donc à l'écart du groupe de lycéens qui faisaient partie du cortège. Vers le milieu du parcours, le cortège de jeunesse s'est détaché du reste de la manifestation, dans le but de rejoindre le point d'arrivée un peu plus rapidement. Comme cela ne faisait pas partie du parcours nous avons hésité à les rejoindre et demandé à un policier chargé de la circulation ce qu'il était préférable que l'on fasse. Celui-ci nous a répondu que nous pouvions faire comme nous le désirions, nous avons donc pris la décision de continuer en suivant le parcours initialement prévu dans le but de bloquer le plus possible la ville. Arrivés à côté de la préfecture vers 12H30, nous avons vu le groupe de jeunes, collé à la ligne de policier.ère.s en tenue anti-émeutes. Une manifestante CGT nous a tout de suite annoncé que des jeunes se faisaient gazer. Nous nous sommes donc dépêchés de les rejoindre et nous nous sommes glissés entre eux et les policiers, de dos. Un homme à côté faisait un peu le con avec sa bière mais rien de grave ou de provocateur au point de déclencher ce qu'il s'est passé. Les forces de l'ordre nous bousculaient de plus en plus, j'ai voulu attraper mon téléphone pour filmer mais quand je me suis retournée j'ai reçu le jet d'une bombe lacrymogène au poivre dans le visage. Je suis sûre que le policier qui a fait cela n'a jamais alerté sur ce qu'il allait faire et qu'il se trouvait à moins d'un mètre de moi. J'ai hurlé de douleur et le manifestant qui tenait une bière m'a mise au sol pour me protéger. On m'a tout de suite mis de l'eau sur le visage et amenée vers mon père qui se trouvait lui aussi dans le cortège. Heureusement pour moi j'en avais juste reçu sur ma peau, mes vêtements et dans les yeux, je n'avais donc pas de difficulté à respirer comme se fut le cas pour d'autres camarades. Mon père à hurlé « Putain, ils gazent des gamins de 17 ans !» et il me semble que cela a vraiment commencé à dégénérer à partir de là. Je suis rentrée chez moi avec mon père (je n'habite vraiment pas loin) pour me laver les yeux et prendre un masque de plongée avant de ressortir. Je ne ressentais presque plus la brûlure après 15-20 minutes et j'ai alerté les autres lycéens. Les policiers étaient de plus en plus agités et les manifestants aussi. J'ai trouvé deux camarades dans la même situation que moi et on nous a conseillé d'aller à l'hôpital afin de constater notre état, pour porter plainte. Nous avons reçu des soins par une infirmière, entre temps deux autres jeunes nous avaient rejoint, nous étions donc cinq à avoir été sévèrement gazées. Après nous avoir nettoyé le visage l'infirmière nous a laissé partir sans que nous ayons vu un docteur. Je suis retournée à l'accueil pour demander une attestation de soin mais on m'a dit que le docteur ne voulais pas nous voir. J'ai insisté en disant que j'en avais besoin pour porter plainte mais on m'a dit d'aller faire cela chez mon médecin généraliste. Quand je suis sortie de l'hôpital, la manifestation avait été dispersée. J'ai rejoint des camarades qui m'ont expliqué que tout le monde avait été gazé et que quelques coups de tonfa (matraque en caoutchouc) avaient été distribués mais pas sur les jeunes.Une fille qui était aux urgences avec moi avait toujours la gorge qui grattait une demi heure après l'attaque et un camarade qui a été saisi au bras par un policier a maintenant un bleu. Tout le monde a eu extrêmement peur, cela ne s'était jamais produit à Tulle lors d'une manifestation et personne ne pensait que cela pourrait se produire un jour. Au total c'est une trentaine de lycéens à avoir été gazés sans sommation dont cinq sévèrement. Un camarade s'est fait emmener au commissariat et intimider par 6 policiers qui l'ont traité de « fils de pute ». Des adultes ont été touchés également mais nous pensons que si les forces de l'ordre ont gazé c'était car les jeunes constituaient une cible facile. De mon côté elles ont refusé de prendre ma plainte et m'ont dit d'écrire au procureur.
Bien sûr nous savons qui donne les ordres de tirer sur les manifestants et qui choisit de les appliquer et c'est pour cela que nous ne lâcherons rien. Cela ne nous a en rien découragé, cela ne fait qu'accentuer notre colère et nous, les jeunes, nous continuerons à nous battre, jusqu'à les faire reculer.


Céleste Guillot.

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