Offensive transphobe: les lycéen·nes en première ligne - ANALYSE

Le lundi 6 mai, plus de 150 étudiant.e.s se sont rassemblé.es contre la venue de Marguerite Stern et Dora Moutot, les deux autrices de TransMania, connues pour leurs prises de position transphobes et de plus en plus proche des idéologies de l'extrême droite.
"Transmania", ou la diffusion d'une transphobie politique
Dans leur livre Transmania, les deux autrices parlent d'une « dérive idéologique » qui pousserait des enfants à transitionner vers un genre qui n'est pas le leur, dénonçant comme acteur principal les politiques « progressistes et laxistes » permettant à ces jeunes de pouvoir transitionner.
Sans réel fond idéologique, avec un cruel vide d'explication sociologique et sans aucune notion de théorie du genre, ces deux « militantes » s'inscrivent dans une culture du vide, de la haine et de l'ignorance en attirant l'attention d'un grand nombre de médias mainstream (reçues en plateau par RMC, BFM, ou CNEWS à de nombreuses reprises), ou d'extrême droite comme Livre Noir ou Valeurs Actuelles.
Tandis que l'extrême droite renie ses racines homophobes aux relents de Manif Pour Tous, celle-ci se revendique comme luttant contre le transgenrisme - soit le nouveau terme visant à discriminer les personnes trans - avec comme nouvelle première cible : les personnes transgenres, en particulier les plus jeunes.
Si la tournée médiatique des deux "militantes" habituées des plateaux télés semble avoir libéré une transphobie latente dans l'espace médiatique, le maquillage de cette haine en discours pseudo-politique risque aussi d'exacerber les discriminations (déjà très fortes), à l'encontre des personnes transgenre. Élio, militant de l'USL, témoigne: "Je suis souvent très très pessimiste concernant notre futur, la loi transphobe qui a été proposé et qui sera examinée au Sénat m'angoisse évidemment car ce serait une victoire des transphobes/TERFS qui font de leurs militantisme un combat quotidien pour contrôler et détruire nos vies".
Les mineur·es trans particulièrement ciblé·es
Les femmes transgenres, par delà le fait de ne pas être de "vraies" femmes, incarneraient l'ennemi même des femmes par leur simple existence.
Mais cette haine transphobe ne se limite pas seulement aux femmes transgenres ; sur le site "Femelliste" on voit un article intitulé Tania : mère d'une adolescente anciennement trans, tous ces articles, regroupés dans une catégorie "Enfants", ont pour unique but de décrédibiliser les droits des personnes transgenres, et de propager l'idée qu'il existe une propagande amenant des enfants à remettre leur genre en question, jusqu'à de nombreuses opérations chirurgicales.
Ce fantasme de la détransition et du regret de transition de genre est également sur-instrumentalisé par l'extrême droite et les femellistes car, selon de nombreux sociologues et militant·es, le chiffre de détransitions tourne autour de 1 % des personnes trans, alors que la question est au coeur de l'argumentaire anti-trans.
Les personnes LGBTQIA+ en danger
Au niveau international, tandis que l'on pourrait penser à une amélioration générale des droits des personnes LGBTQIA+, on peut remarquer une grande disparité dans l'évolution des droits des personnes trans : le Parlement Slovaque rejette l'interdiction du changement de mention de genre à l'état civil, tandis que le Japon met fin à l'obligation pour les personnes trans de subir une stérilisation afin d'obtenir un changement de mention de genre.
En Europe, l'Italie voit une dégradation des droits des personnes LGBTQIA+, avec l'extrême droite menée par Giorgia Meloni, en commençant par les couples lesbiens : depuis le 26.07.2024 seule la mère « biologique » d'un couple de femmes possède le statut de mère, l'autre parent n'a plus son nom sur l'acte de naissance de son enfant, et en cas de décès l'enfant deviendra pupille de l'État, puisque l'une des deux responsables de l'enfant n'est pas considérée comme responsable légale aux yeux de l'État.
Les lycéen·nes en première ligne
En France, les personnes trans souffrent encore d'une discrimination d'état à tous les niveaux, et notamment au lycée: "comme la majorité des mineurs trans, j'ai déjà vécu des violences transphobes de la part des institutions, témoigne Élio. Ils [l'administration] n'ont pas réagi au fait que je me faisais harceler (violences physiques, verbales, intimidation, rumeurs). Je n'étais « pas dans les clous » et j'étais donc par essence responsable, j'avais à peine 13 ans et je ne suis pas sûr de savoir ce que je voulais pour moi même, j'étais en collège catholique et je n'étais même pas out."
Les agressions transphobes sont souvent couvertes, voire alimentées par les personnels responsables:" « C'est peut être qu'une phase » de la part d'un CPE qui m'interrogeait depuis une heure alors que je venais de me faire agresser sexuellement et que je ne voulais pas lui parler ; « Oui bon d'accord on vous force à être dans une chambre avec des filles mais prenez sur vous et arrêtez vos caprices »: c'était le pire voyage scolaire de ma vie."
Si la circulaire Blanquer sur le sujet "a permis quelques améliorations", selon Élio, elle favorise grandement les mineur·es trans ayant la chance d'être accompagné·es par leurs responsables légaux: "Lorsqu'on est trans dans un lycée, soit on le dit et dans ce cas on doit être prêt à supporter des figures d'autorité qui n'ont aucun problème à remettre leur mauvaise humeur sur nous (par exemple des mégenrages constants), soit-on ne dit rien mais on peut quand même se faire emmerder et on ne sera surtout pas du tout protégés par aucun personnel d'éducation."
Le chiffre le plus inquiétant reste celui-ci : Le risque de suicide chez les personnes trans est deux fois plus élevé que chez les personnes cisgenres, les jeunes étant particulièrement touchés ; 1 jeune transgenre sur 3 a tenté de se suicider au cours de cette dernière année.
En France, à la faveur d'offensives transphobes dans l'espace médiatique et d'un manque total de volonté de l'État, la transphobie a acquis une place de discrimination acceptée. Pour autant, il ne faut pas non plus occulter la réalité de la transphobie dans les espaces militants: "je vis quand même une forme de discrimination dans le militantisme, qui n'est pas indemnisé face à la transphobie puisque malgré tout, quelques militants (souvent des hommes cis et hétérosexuels) me ramènent très souvent à mon identité et font du mansplaining, ce qui me rappelle très désagréablement qu'il y'a une « frontière » entre eux et moi et que malgré tout mes efforts, mon identité reste à part".
Il est donc important de rappeler que le rôle des organisations syndicales est de défendre les intérêts de tous·tes leurs syndiqué·es. Les lycéen·nes trans vivent aujourd'hui des discriminations intolérables et pourtant normalisées qu'il faut combattre absolument. C'est pourquoi nous vous donnons rendez-vous dans toutes les manifestations de défense de nos droits.
Ezia Bierry
En plus: Pour manifester pour les droits
des personnes LGBTQIA+, les dates des Prides en France Métropolitaine et
en Outre-Mer, du 9 Mars au 12 Octobre à retrouver sur ici.