Macron et les lycées pros: la grande casse !

14/09/2023

Avec l'annonce de sa nouvelle réforme (très largement soutenue par le MEDEF), E.Macron a confirmé les craintes des enseignants et élèves de lycée professionnels. L'éducation professionnelle, laissée jusqu'alors presque intacte depuis l'arrivée au pouvoir des gouvernements Macron, va finalement être, elle aussi, touchée. Macron, durant sa visite le jeudi 4 mai, dans un lycée professionnel de Saintes (Charente-Maritime) nous a expliqué avec, comme il en a l'habitude, son langage du monde de l'entreprise, qu'il allait redynamiser la voie professionnelle et la rendre plus attractive.

Pour ce faire, c'est de nombreuses choses qui vont changer au sein de nos établissements. Macron veut installer des « bureaux des entreprises » dans nos lycées et ainsi introduire en douce les entreprises locales directement dans l'éducation nationale. Il souhaite un remaniement des filières dans les régions en fonction des besoins locaux des entreprises, ce qui engendre évidemment la fermeture de nombreuses filières et qui pose un autre problème. A quoi bon avoir suivi un cursus hyper spécialisé dans les métiers du verre par exemple, si l'entreprise demandeuse ferme ses portes demain ?

Le lycée pro ne serait plus un parcours scolaire émancipateur mais une machine à créer des ouvriers qualifiés pour une seule tâche, en empêchant une quelconque réinsertion professionnelle ou poursuite d'études. Macron nous explique l'infériorité des élèves de lycée professionnel qui ne pourront servir qu'à faire tourner les entreprises pour le bien des profits des patrons et du capital. Il souhaite aussi l'intervention dès la 5ème de professionnels dans les collèges pour susciter des vocations, aider à l'orientation... Oui, mais non. Pas comme cela, pas en faisant entrer les entreprises aussi tôt dans la vie des jeunes.

Avec cette réforme, ce sont 2 600 filières qui fermeront dès la rentrée 2023 car pas assez attractives, pas assez de débouchés et pas assez bien rémunérées. Mais où vont aller tous ces élèves et ces professeurs spécialisés ? Macron prévoit pour les élèves de les réintégrer dans d'autres établissements dans des lycées et des classes déjà surchargés. Pour les professeurs, c'est notre regretté ministre Pap Ndiaye qui gagne le concours de l'idiotie. Il nous explique que les professeurs de lycée professionnel qui n'ont plus de filières pourront aller donner des cours au collège ou en primaire. Il semble évident qu'un prof de dessin technique sera compétent pour enseigner l'histoire à une classe de 6ème. Cette réforme compte aussi sur le recrutement de "professeurs associés", c'est-à- dire de professionnels vacataires, dont enseigner n'est pas le métier.

La réforme prévoit aussi 50% de temps de stage en plus, donc un tiers du temps scolaire. Cela signifie moins de cours généraux, une formation aux matières générales plus low cost donc moins de chances de réinsertion professionnelle ou de poursuite d'études. Mais c'est aussi moins de temps de cours et moins de professeurs. Pour ces professeurs délaissés, on espère au moins que les 6èmes ne seront pas trop durs avec eux. Nous autres, lycéens professionnels, savons aussi qu'il est difficile de trouver un stage et encore plus de trouver un stage de qualité. Nous savons que le milieu professionnel est une branche importante de nos formations mais nous avons aussi la réalité du terrain. Ce n'est pas en entreprise que nous apprenons le plus souvent. Quand on ne passe pas le balai pendant un mois, on est souvent relayés aux tâches les plus ingrates et les moins formatrices. Ne faisons pas de généralisation mais c'est aussi la réalité et il est rare d'avoir un stage de qualité. La pression des entreprises est aussi un facteur important. Nous autres, (et il semble difficile de le concevoir pour un énarque comme Macron) n'entrons pas en lycée professionnel pour avoir un métier le plus rapidement possible, cela fait évidemment partie de la démarche mais nous voulons autant que les autres une culture et une formation de qualité pour penser et réfléchir par nous-mêmes, d'où la demande de retour des cours de philosophie en lycée pro. Les stages, c'est aussi beaucoup de pression mentale, beaucoup de stress, le monde de l'entreprise n'est pas tout rose… La pression des patrons, la cadence de travail, le stress de ne pas aller assez vite. Macron veut redynamiser le lycée professionnel et éviter l'abandon le plus possible. Nous ne pensons pas que c'est en mettant de plus en plus les jeunes face à la pression du monde du travail que cela créera des vocations ou motivera les élèves.

Pour donner une compensation aux lycéen.ne.s et leur faire fermer les yeux sur cette réforme, Macron a annoncé la rémunération de 50 à 100€ la semaine de stage en fonction du niveau de la seconde à la terminale (1ère et 2ème année pour les CAP) ce qui fait 200 euros le mois pour les secondes et 400 pour les terminales (vous avez vu à La Fourmi Rouge on ne fait pas que gueuler, on sait aussi compter). Un salaire ridicule pour le travail fourni. Certains diront sûrement que c'est déjà ça, vu parfois les transports à payer pour les stages ou le matériel demandé. Ce qui est plus inquiétant, c'est que ce ne sera pas les entreprises qui paieront les stagiaires mais l'État. Évidemment, il ne faudrait pas embêter les patrons. Cela veut dire que les élèves seront une main-d'œuvre gratuite pour eux, de la chair à canon pour les entreprises.

On pourrait continuer des heures sur ce que va engendrer cette réforme. Cependant, nous en avons fait le tour dans les grandes lignes. Cette année s'annonce mouvementée, à nous de dire non à cette réforme en se mobilisant dans nos lycées professionnels ou nos lycées généraux comme l'an passé en solidarité avec nos professeur.e.s aussi touchés par cette abjecte réforme. La SNCF, France Télécom, les autoroutes, EDF, nous ne serons pas les prochains à être servi sur un plateau aux entreprises. Disons non à la privatisation des lycées professionnels !

Elwan Bousseau

Cet article est publié simultanément sur "Unité Lycéenne - Le journal", et "La Fourmi Rouge", publication militante de la Voix Lycéenne Indre-Et-Loire.
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