ÉDITO: Nous armerons les esprits !

Que valent les mots ? Que valent-ils quand, pour servir leur narratif, les chefs de "l'arc républicain" les ont dépouillés de leur sens. Cet "arc républicain" qui devient alors dans leur bouche le signifiant de ce qui est acceptable, c'est à dire très exactement tout ce qui nous est inacceptable. Le vide des mots s'accompagne alors du vide de la pensée. Quand on demande au Président de la République ce qu'il pense des déclarations inédites du directeur de la police nationale, allant jusqu'à accepter l'idée de faire des policiers des soldats au-dessus des lois, Emmanuel Macron n'a rien à dire. Quel vide ! Non pas un vide innocent, puisque la Macronie sait très bien qu'elle joue avec le feu, mais un vide complice. Dans ces circonstances, ne rien dire, quand on voit sous ses yeux l'autorité de l'État s'effondrer face à la police factieuse, quand on voit l'extrême droite lyncher des militants, c'est cautionner. Cautionner la présence d'une extrême droite qui, banalisée, prend progressivement le contrôle de nombreux champs de la société.
Comme nous étions moqués quand nous présentions le retour du service militaire ou le mépris du parlement comme des dérives fascisantes. Aujourd'hui tout est plus clair: chaque jour qui passe nous rapproche de ce péril. De la reprise en main zemmouriste du Journal Du Dimanche au discours politique suivant les révoltes des banlieues, tout y passe. Tout est bon pour avancer pas-à-pas vers un débat public où tout est saturé et un espace politique où tout discours subversif est présenté comme hors de la "République".
De la consternation actuelle débouche déjà une forme de résignation. Résignation quand on voit chaque tentative de contestation muselée, méprisée puis éteinte, avant que l'on ne change de sujet. En effet, il n'a pas fallu beaucoup de temps pour passer de la réforme des retraites aux révoltes urbaines, puis maintenant à la crise policière qui prend de l'ampleur. Quand des millions de français contestent la réforme des retraites dans la rue, le gouvernement décide de passer en force sans états d'âme. Quand les banlieues s'enflamment en réaction à la mort de Nahel, il n'y a aucun ministre pour trouver de solutions politiques autres que la matraque. En revanche, quand quelques policiers se mettent en arrêt maladie pour protester contre la mise en détention de leur collègue criminel, ils obtiennent en une semaine gain de cause sur leurs revendications de justice parallèle. Tout paraît alors impossible, vicié. Comme si notre camp social était voué à perdre.
Oui, tout est plus clair: le gouvernement a choisi son camp. C'est celui de l'état policier, c'est-à-dire qui n'impose son autorité que grâce à sa police violente. Bien sûr, cet État policier peut se vanter d'être détenteur de la "République", ce qui ne l'empêche pas de se muer en État autoritaire lorsque c'est nécessaire pour maintenir sa domination. Ils ont choisi leur camp.
Pour faire face, nous n'avons donc pas d'autre choix que de choisir le nôtre. Nous l'avons fait. La Voix Lycéenne se tiendra prête, avec comme volonté l'unité de tout notre camp, pour mener ces combats. A l'heure ou le Maroc voit sa température dépasser les cinquante degrés, à l'heure où des milliers des chômeurs vont voir leur niveau de vie chuter, à l'heure où nos parents voient leur durée de travail rallongée de deux ans, voyant partout en Europe la collision entre les conservateurs et les partis d'extrême droite, voyant la gauche diabolisée par le bloc bourgeois et ce même bloc bourgeois dériver vers un discours autoritaire et raciste, voyant l'état tenter (parfois en vain) de dissoudre les associations écologistes, nous ne resterons pas muets. Nous passerons à l'action, partout où elle sera nécessaire. Dès la rentrée, nous continuerons à battre le terrain, à armer les esprits. Nous bloquerons, nous informerons (avec Unité Lycéenne !), nous continuerons. Nous renforcerons cet outil syndical auquel nous croyons. Voyant les nuages s'avancer, nous armerons les esprits ! Contre le racisme et pour toutes les justices, nous marcherons le 23 septembre. Voilà notre feuille de route, elle est claire: changer l'éducation pour changer le monde !
Manès Nadel, Directeur de la Rédaction.